Il est des histoires patrimoniales qui symbolisent à la fois la grandeur et les blessures de Bruxelles. Celle de la façade de l’hôtel Aubecq, imaginée par Victor Horta en 1899 pour l’industriel Octave Aubecq, en est l’une des plus éloquentes. Véritable joyau de l’Art nouveau, elle a pourtant failli disparaître à jamais sous les coups du modernisme des années 1950.
Démontée en 1950 pour faire place à un immeuble fonctionnel, la façade fut sauvée in extremis grâce à l’intervention de Jean Delhaye, ancien collaborateur de Horta. Depuis, plus de 600 pierres d’origine ont erré de dépôt en dépôt à travers la Région, dans des conditions souvent indignes de leur valeur historique. Malgré des promesses répétées et une mobilisation citoyenne constante, rien de concret n’avait abouti… jusqu’à aujourd’hui.
Je salue avec une grande satisfaction l’annonce récente de la Secrétaire d’État en charge du Patrimoine, confirmant que la façade de l’hôtel Aubecq sera enfin revalorisée.
Un partenariat entre Urban.brussels et Constructiv permettra de redonner vie à cette œuvre majeure en l’intégrant au futur Centre de formation aux métiers de la construction et du patrimoine, situé à Berchem-Sainte-Agathe.
Ce centre regroupera plusieurs acteurs essentiels tels que Construcity.brussels, Actiris, Bruxelles Formation, le VDAB, Embuild et Bruxelles Environnement. Il s’agira donc d’un cadre idéal, à la fois patrimonial et pédagogique, pour sensibiliser les jeunes générations à la conservation du bâti ancien et à la maîtrise des savoir-faire artisanaux.
Dès juillet 2025, les pierres seront transférées depuis leur dépôt de Neder-Over-Heembeek vers le nouveau site de Berchem-Sainte-Agathe.
Une exposition temporaire, prévue pour l’automne 2025, offrira au public l’occasion unique de redécouvrir la façade en position couchée avant une future reconstitution, complète ou partielle, dont les modalités restent à définir.
Cette initiative représente un tournant majeur pour un dossier qui stagnait depuis plus de 70 ans.
C’est un signal fort envoyé en faveur de la revalorisation du patrimoine Art nouveau, particulièrement à l’heure où Bruxelles multiplie les initiatives autour du centenaire de la mort de Victor Horta.
Si cette étape marque une avancée considérable, il est de mon devoir d’interroger le gouvernement sur plusieurs points essentiels afin de garantir la réussite et la pérennité du projet :
Quel calendrier précis est prévu pour la reconstruction partielle ou complète de la façade ?
Quelles expertises scientifiques sont mobilisées pour assurer la fidélité patrimoniale du remontage ?
Les pierres manquantes, au nombre de sept selon les inventaires, seront-elles reproduites à l’identique, et selon quelles méthodes ?
Quel budget la Région consacre-t-elle à cette opération, et des partenaires privés sont-ils associés ?
La restauration des ferronneries et menuiseries d’origine est-elle également prévue ?
L’exposition de l’automne 2025 sera-t-elle ouverte à tous, avec une médiation culturelle accessible ?
Enfin, le site de Berchem-Sainte-Agathe est-il une solution définitive ou envisage-t-on un retour ultérieur de la façade vers un lieu plus central et symbolique ?
Ce projet, s’il est mené avec rigueur et ambition, pourrait devenir un modèle de restauration patrimoniale et d’éducation aux métiers du patrimoine.
Mais pour cela, il devra s’inscrire dans une vision cohérente de la valorisation de l’Art nouveau à Bruxelles, en lien avec nos institutions muséales et nos écoles spécialisées.
Restaurer la façade de l’hôtel Aubecq, c’est bien plus que reconstruire un mur.
C’est réparer une erreur historique, rendre hommage à Victor Horta, et transmettre aux générations futures le goût du beau, du durable et du savoir-faire bruxellois.
📍 Bruxelles, le 29 juin 2025
Geoffroy Coomans de Brachène
Député bruxellois – Urbanisme, Patrimoine et Architecture
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